Et elle ne comprenais rien, rien du tout. Ses peines se refoulaient toutes, mêmes les plus anciennes. Un coup de blues ? Non, pire que ça, bien pire que ça. Comme un moment terrible, un moment rare peut-être même inexistant dans la vie d'une personne normale. Un moment que personne n'aimerais connaitre, personne. Elle se souvenait de ses premières peines, de ses premiers jouets cassés, ses premières mauvaises notes, ses premiers disputes entre amis, ses premières punitions, ses premiers chagrins d'amours, ses premiers rebellions contre ses parents, ses premières insultes, ses premiers examens ratés et puis enfin, son derniers mauvais souvenir après le cauchemar. Sa dernière dispute avec ses parents. Elle regrette plus que tout au monde d'avoir une fois de plus joué les têtes de mules, elle regrette encore et toujours d'avoir tenu tête alors qu'ils la protégeais. Après tout, ils avaient raison : un petit être aussi doux et fragile que Shade n'avais pas à rentrer soûle et droguée tout les soirs. Mais que peut-elle y faire maintenant ? Maintenant qu'elle est loin de tout. Ce qui lui aurait fait le plus plaisir ? Pouvoir leur dire « Pardon, merci et au revoir. » Trois mots pourtant si communs, si incrustés dans la vie courante mais qui derrière eux cache tant de sentiments. Shade se souviens d'eux au passé alors qu'en fait ils sont toujours vivants ... Mais Shade le sais, ses parents ne peuvent pas vivre sans elle, elle est leur unique fille parmi deux garçons, elle est leur petite préférée comme on dit. Ils ont toujours tout fait pour elle et il est presque impossible pour eux de vivre sans elle. Ils vont faire une connerie, c'est sûr.

Refoulant ses peines, pleurant son sort, rêvant ses souvenirs et regrettant son passé ; Shade se recroquevilla, petit à petit. Ses tremblements de souffrance de haine et de froid recouvraient presque le bruit de sa respiration aboutée par ses pleures. Pauvre elle. Un présence pour la rassurer, voilà ce qui lui manquait. Voilà ce qui lui manquait. À travers sa perception ralentie des choses, Shade semblait entendre quelques chose, quelques pas, quelques souffles. Peut-être les battements dans sa tête, peut-être son souffle, mais cela parait si vrai. Un sentiment de peur comme un sentiment de soulagement l'envahi. On serait venu l'aider ? Elle espérait. Elle en rêvait. Du travers de ses yeux emplis de larmes, Shade aperçut une silhouette, ses respirations se firent de plus en plus rapprochées. Son cœur battait vite, très vite, trop vite. La silhouette ne fit que prendre sa main, la sienne était chaude et réconfortante. C'était un soulagement, elle se sentait en sécurité.

Petit à petit son souffle se normalisa, devenant presque habituel. Ses tremblements s'estompèrent. Elle en venait presque à oublier ce qui lui était arrivé, elle oubliait pourquoi elle pleurait. Elle oubliait qu'il y a à peine trois minutes de cela elle tremblait, pleurait et remettait en cause tout ce qui lui était arrivé de bon et de mauvais dans la vie. Son visage détérioré par la haine se détendit et laissa entrevoir tout la beauté de la jeune fille. Elle était elle. Elle se sentait de nouveau en sécurité, elle esquissa même un petit sourire. Son sauveur retira sa main. Et lui chuchota d'une voix rauque et grave :

- Tout va bien ?

Ce n'était que trois mots, que trois minables mots si habituelles, mais ils suffisaient à faire sourire la jeune fille, à vrai dire, cela faisait deux semaines qu'on ne lui avait pas adressé la parole. Sa voix était encore hoqueté par ses pleures mais elle répondit si bien qu'elle le pu. Pleine de sentiments :

- Non. Mais votre présence change quelques peu la donne. Je suis désolée que nous nous soyons rencontrés dans cette situation, presque autant que je suis désolée d'être ici.

Tentant de reprendre un peu de dignité, Shade se releva, du moins s'assiégea face à lui. Par inadvertance, elle posa sa main sur celle du charmant jeune homme ... confuse elle la retira alors. Et attendit une réponse.

A peine avait-il posé sa question à la jeune fille que celle-ci sourit. Un joli sourire, d'ailleurs. Ses yeux était toujours à moitié ouvert, elle arborait une expression de soulagement, comme s'il venait de lui sauver la vie. Sean frotta ses ongles contre sa nuque. La jeune femme laissa alors voir ses dents blanche, tout en articulant des mots d'une voix étrange. Hoquetant, mais volontairement placé sous le signe d'une certaine sensualité :

- Non. Mais votre présence change quelques peu la donne.

Non.
C'était vrai que sa question était bête, ça hurlait sur l'oeil, que la jeune femme n'allait « pas tout bien ». Sean arqua ses sourcils, lorsqu'il entendit que sa présence changeait la donne. En clair, elle se sentait bien parce qu'il était là, c'était ça. Il se sentit gêné. Et puis quelle donne ? Celle d'être sur l'île ? C 'était une bénédiction plus qu'autre chose, c'est vrai : ils étaient les survivant de la destruction de la terre. Des élus. Que demander de mieux, d'autant plus qu'ils en étaient ressortis plus fort, avec une capacité en plus ?
Bon, elle était nouvelle sur l'île, c'était normal qu'elle soit quelque peu perturbée, et qu'elle voit cela comme quelque chose de néfaste. On ne devait pas lui avoir donné d'explications. Sean pensa à ceux qui refusent la bénédiction, en songeant aux liens qui les relient avec le passé, et s'accroche inutilement à cet engrenage, qui s'est achevé de tourner, et qui n'est en évidence, par réparable. Ce n'était pas le cas de Sean. Elle interrompit cette pensée longue à décrire, mais qui était passé en deux seconde dans l'esprit de celui-ci, par les mots qui suivent :

- Je suis désolée que nous nous soyons rencontrés dans cette situation...

Sean traduit tout de suite dans sa tête par : « je suis désolée que nous nous soyons rencontrés avec la tête que j'ai ». Il commençait déjà à se donner une idée de qui était la jeune femme, ou du genre de fille. Sean aimait bien déchiffrer les paroles du sexe opposé en véritables pensées. Il devait se tromper souvent, mais ce n'était pas grave. C'était un jeu qui lui plaisait. Certain garçons se plaignent en disant que les femmes sont des êtres incompréhensible, lui, trouve que ce sont des créatures fines et délicates, qui emploient un langage pleins de sous entendus.
C'était comme lire entre les lignes d'un livre, c'était mystérieux, attirant. Un jeu, comme toujours.
Elle se releva sur ses genoux, d'une manière lente, et digne.

-… presque autant que je suis désolée d'être ici.

Sean resta choqué sur la dernière phrase. Il fallait qu'il lui explique que c'était toujours mieux que de mourir, mais il n'en eut pas le temps : elle commit quelque chose qui le stoppa net sur sa sympathie : elle lui posa sa main sur la sienne.
Il ne connaissait même pas son nom. Étrange fille. Il fronça les sourcils, s'interrogeant intérieurement. Il devait avoir mal calculé sa finesse. Elle retira sa main. Il s'efforça de reprendre une expression souriante, et, une voix baignée de politesse, se présenta :

« Je m'appelle Sean. Sean Solaris. Lernant. Et toi, comment te nommes-tu ? »